Près de 50 doctorants, dont un tiers de doctorantes, mènent actuellement des recherches dans le cadre du Trail Institute, dédié à la recherche en intelligence artificielle.
Concrètement, sur quoi ces cerveaux travaillent-ils? Trois ingénieures qui viennent de participer au salon parisien Vivatech, à l’invitation de Wallonie Bruxelles International, lèvent le voile sur les multiples facettes de ce type de recherche.
« De mon côté, c’est bien simple, mes travaux portent sur l’IA dans les véhicules autonomes », lance Anaïs Halin. L’ingénieure civile en électricité de l’Université de Liège a publié voici peu une étude consacrée à la surveillance de l’état de vigilance des conducteurs de telles voitures.
Financée depuis un an par le programme de recherche wallon ARIAC (Applications et Recherche pour une Intelligence artificielle de Confiance), elle utilise des paramètres internes au véhicule (l’état du conducteur), mais également des paramètres externes (la surveillance de l’environnement immédiat) pour améliorer la conduite assistée.
Améliorer la robustesse des algorithmes
« Mon but est de pouvoir rendre les systèmes plus performants. Par exemple, déterminer plus efficacement quand il est opportun d’activer ou de désactiver automatiquement certaines aides à la conduite. Et d’ainsi faciliter des transitions de ce type d’assistance. Des réactions trop brutales pouvant être dangereuses. »
Et l’intelligence artificielle dans tout ça ? « Elle intervient partout », précise Anaïs Halin. « Dans l’analyse de l’état du conducteur, dans l’analyse de l’environnement externe et dans la combinaison de ces deux facteurs. Afin d’améliorer l’efficacité et la sécurité de la conduite autonome, je veux rendre plus robustes les algorithmes qui permettent de prédire quand activer ou désactiver les aides à la conduite. »
Sur la piste des tumeurs mobiles en protonthérapie
Quant à Estelle Loÿen, elle est ingénieure civile biomédicale, « avec une formation axée robotique médicale et intelligence artificielle », précise-t-elle. Pour son doctorat au Trail, elle bénéficie également d’une bourse de Télévie (FNRS).
Son domaine de recherche porte sur les tumeurs mobiles et le « Federated learning ». Des travaux qu’elle mène sous la direction du professeur Benoît Macq, à l’UCLouvain.
« Ma thèse vise à optimiser le traitement des tumeurs mobiles », précise-t-elle. « Il s’agit de tumeurs situées dans la cage thoracique. Quand les patients respirent, elles bougent. Pour les traiter le plus efficacement possible par protonthérapie, il faut pouvoir les cibler avec une grande précision. Et donc connaître et anticiper leurs mouvements pendant le traitement. »
De la 2D à des images en 3D en temps réel
Le défi que la doctorante a à relever est triple. « Il faut optimiser la prise d’images pendant le traitement afin d’obtenir des images plus en phase avec la respiration du patient, et donc la localisation des tumeurs à traiter », dit-elle. « Ensuite, il faut restituer ces images en trois dimensions… sur base d’informations et d’images obtenues en deux dimensions. Enfin, il faut adapter les traitements. »
« Pour le moment, je me focalise sur la reconstruction des tumeurs en trois dimensions sur base d’images en 2D, avec l’aide de l’intelligence artificielle. »
Et le Federated learning? « Pour entraîner nos algorithmes d’intelligence artificielle, nous dépendons des données issues des hôpitaux. Mais ceux-ci sont plutôt réticents, voire franchement réfractaires, à nous les communiquer. Le Federated learning permet de créer une coalition d’hôpitaux. Chaque hôpital entraîne localement une intelligence artificielle et partage ses avancées sur un réseau global. Ce qui permet d’améliorer dans son ensemble le réseau d’intelligence artificielle. »
Les données faibles comme sources d’informations pertinentes
Quant à Lucile Dierckx, ingénieure civile en informatique avec option en intelligence artificielle de l’UCLouvain, elle vient tout juste de démarrer sa thèse grâce à un financement ARIAC. Son dada? L’exploitation des données dites faibles.
« Les jeux de données disponibles pour nourrir nos algorithmes sont énormes », explique-t-elle. « Mais toutes n’ont pas la même valeur. Ce qui coûte cher, c’est de pouvoir les labelliser une à une pour les utiliser ensuite au mieux. Néanmoins, les données brutes, non encore labellisées, comportent, elles aussi, des informations qui peuvent être utiles. Dans le cadre de ma thèse, l’idée est de pouvoir tenter d’en extraire des informations pertinentes. Cela passe par l’élaboration de règles spécifiques de prises de décisions en utilisant des réseaux de « machine learning » ».
Pour ce trio de chercheuses du Trail Institute, l’intérêt de la structure virtuelle dans laquelle elles baignent est évident. « Cela nous permet de multiplier les contacts et tisser des liens avec des domaines de l’intelligence artificielle que nous connaissons moins bien, mais qui peuvent être très intéressants pour nos travaux », estime Anaïs Halin.
« Les collaborations avec les Centres de recherche agréés et les utilisateurs finaux rendent également notre travail plus concret », conclut Estelle Loÿen.
Source: article de Christian Du Brulle pour Daily Science.