Je souhaite partager l'article publié dans l'Economiste, vendredi 6 juillet 2018 à l'initiative de son auteur, mon ami journaliste Abashi SHAMAMBA.
Au Royaume des bières, des spin-off et des PME
En tant que telle, la marque Wallonie ne parle pas à ceux qui ne sont pas familiarisés avec le complexe dispositif institutionnel belge.
Vue du Maroc, la Belgique renvoie surtout à Bruxelles, siège des institutions de l’Union européenne et depuis le début de la coupe du monde de football en Russie, aux Diables Rouges (sélection nationale) dont les performances et les talents sont admirés par de nombreux fans du ballon rond.
Les gouvernements régionaux ont de larges compétences.
Dans le logement, l’aménagement du territoire, l’environnement et l’agriculture, l’énergie et l’eau, les travaux publics et les transports, la politique économique, la politique du commerce extérieur, la promotion des investissements étrangers et l’emploi. La santé, l’aide sociale, la recherche scientifique et des relations internationales dans tous ces domaines.
Le schéma institutionnel belge est d’une telle complexité que seuls les experts avisés arrivent à décrypter, observe Dominique Delattre, directeur Afrique, Proche et MoyenOrient à l’Agence wallonne à l’Exportation et aux Investissements étrangers (Awex).
En visite au Maroc en septembre 2017, le maire d’Anvers et numéro un de la NVA, puissant parti nationaliste flamand, Bart De Wever, confiait que ce n’était pas un modèle exportable.
Pour les régions, exister face à la puissance de la marque Bruxelles est une véritable équation. Mais, la notoriété spontanée de Bruxelles rejaillit positivement sur la Wallonie à l’étranger. Jusqu’au 19e siècle, cette région était l’une des plus dynamiques sur le plan industriel en Europe grâce à une florissante industrie du charbon, du verre et du textile.
Aujourd’hui, avec ses 4,8 millions d’habitants, la Wallonie s’est métamorphosée. Après le déclin de l’industrie lourde et de la mine, il a fallu accélérer la reconversion industrielle. Même l’«enfant du pays», le groupe CMI, fondé par l’ingénieur britannique John Cockerill en 1817 et dont les ateliers avaient fabriqué la première locomotive de chemin de fer, a dû se résoudre au changement de métier. CMI est aujourd’hui une entreprise florissante dans la maintenance, l’énergie, les mines et l’environnement.
Avec ses 70.000 entreprises pour l’écrasante majorité, des PME voire des TPE familiales, elles emploient 650.000 personnes. En moyenne, chaque PME compte 9 salariés. Environ 2.000 sociétés nouvelles se créent chaque année. Le marché domestique étant limité, l’export est une problématique vitale. L’export représente en effet 70% du chiffre d’affaires des entreprises wallonnes (source: patronat wallon) et 50% du PIB régional. Un des accélérateurs de la mutation de l’économie wallonne (qui traîne encore un chômage élevé des jeunes et des seniors) a été le plan «Marshall». De l’argent public mis à disposition des opérateurs privés pour générer de la croissance. Ce plan se concentre sur quelques secteurs à fort potentiel et dans lesquels la région dispose d’avantages compétitifs. La collaboration entre les entreprises et les universités est un modèle du genre. Beaucoup de spin-off ont été créées à partir de laboratoires de recherche universitaires. Elles s’installent souvent près de centres de recherche qu’abritent les écosystèmes. Le rôle de lièvre qu’ils jouent est capital dans la consolidation de ces clusters, symboles du renouveau économique wallon. Ainsi, autour de l’aéroport de Bruxelles-Charleroi s’est développé un tissu d’entreprises liées à l’aéronautique. Venyo, spécialisée dans la conception et la fabrication des simulateurs de vols, est l’une des stars locales. Avec ses 26 salariés, cette PME est une illustration de cette coopération en «bonne intelligence» que pratiquent les universités et le secteur privé. Le pragmatisme belge y est sans doute pour beaucoup, mais il faut souligner la large autonomie des universités. Celles-ci peuvent créer des entreprises, des fonds de capital-risque ou prendre des participations dans des sociétés, etc. Ce qui est impensable au Maroc.
La logistique est l’une des vitrines de l’économie wallonne.
La position géographique de la région permet de toucher en 48 heures, un potentiel de 400 millions de consommateurs. Encore fallait-il les transformer en opportunités. Les deux fleuves qui relient les ports de Rotterdam et Anvers au reste de l’Europe se croisent à Liège. Le port fluvial de la ville est le troisième en Europe et l’aéroport qui fut pendant 70 ans un aéroport militaire, a été habilement reconverti en une plateforme logistique au début des années quatre-vingt-dix. Il s’est positionné sur le traitement de marchandises et se place actuellement au 7e rang des aéroports de fret sur le Vieux Continent. Seule petite entorse, en été, une activité charter vers des destinations touristiques dont le Maroc y prend quartier. Fedex premier intégrateur logistique mondial avec une flotte de 620 avions, en a fait sa plaque tournante pour l’Europe. En Afrique, Ethiopian Airlines y a posé son hub européen. C’est la réussite du transport aérien africain, s’émerveille la direction. L’activité cargo de la compagnie éthiopienne enregistre une croissance spectaculaire. Mais le décollage est intervenu lorsque TNT (racheté depuis par Fedex) décida d’y installer son quartier général européen en 1998. L’aéroport est ouvert 24h/24 et 7 jours sur 7. Cet argument a fait mouche auprès des logisticiens mondiaux. En échange, l’exploitant a investi 350 millions d’euros pour limiter les désagréments liés au bruit pour les riverains. En 2017, l’aéroport de Liège a traité 720.000 tonnes de fret et prévoit 800.000 tonnes cette année