Dans le cadre de la journée internationale des femmes dans les sciences, nous nous sommes interrogés sur leur place aujourd'hui, en Belgique et en Wallonie. La situation a-t-elle évolué chez nous depuis l'époque de Marie Curie, qui inspire toujours des vocations scientifiques féminines aujourd'hui ? Parole aux femmes !
Malgré les nombreuses sollicitations qu'elle reçoit, la professeure Sarah Baatout tient à s'inscrire dans les démarches qui font la promotion des métiers scientifiques auprès de jeunes filles. Elle admire d'ailleurs la personnalité et la carrière de Marie Curie, qui reste un modèle à ses yeux. La scientifique de renommée internationale qui dirige notamment l'unité de radiobiologie du centre d'étude nucléaire de Mol, a accordé une interview à la RTBF cette semaine dans laquelle elle dresse un constat mitigé : "Il subsiste des biais de genre dans les professions liées aux sciences et à la technologie, bien que de grands changements aient eu lieu et ce dans tous les milieux sociaux. Les jeunes femmes, pourtant très talentueuses, que je rencontre dans mon laboratoire manquent parfois d'un brin de confiance en elles. Il faut souligner l'importance de la mise en place d'outils qui pourraient stimuler les jeunes filles et leur donner confiance dans la poursuite de leur carrière, même si beaucoup choisissent encore de donner la priorité à leur famille". Elle se réjouit néanmoins de voir les lignes bouger concernant le sexisme au sein du monde académique à la suite du mouvement #MeToo ou encore de voir une plus grande proportion de femmes postuler à l'Agence Spatiale Européenne (24% au lieu de 15% précédemment) d'autant que, parmi les derniers finalistes on comptait autant de femmes que d'hommes. "Les femmes hésitent plus à postuler, mais elles sont plus compétentes !", sourit-elle.
Maître de recherche au FNRS, professeure de Géochimie à l'ULB, Vincianne Debaille participe également aux opérations de la NASA et vient de donner une conférence à Bruxelles auprès d'Ambassadeurs, où nous l'avons rencontrée. Sa vision est assez positive, même s'il reste du chemin à parcourir : "La Wallonie a fait beaucoup d'efforts en ce sens ces dernières années et ils se reflètent dans la représentativité féminine dans les filières scientifiques ou au sein de boards ou de conseils d'administration, bien meilleure que dans d'autres régions d'Europe ou de l'OCDE. Malgré tout, il nous manque toujours ce role model féminin, surtout à l'âge des choix et de la formation de l'identité et certaines filières restent très genrées, comme l'informatique ou la psychologie. Personnellement, j'estime avoir eu beaucoup de chance de débuter ma carrière à une époque où il était déjà moins compliqué pour une femme d'évoluer au sein des milieux scientifiques : j'aurais probablement dû me battre beaucoup plus si j'étais née vingt ans plus tôt. L'une des plus belles avancées a été la réflexion sur l'équilibre travail / vie privée, pas seulement pour permettre aux femmes de travailler mais aussi pour offrir aux hommes la possibilité d'être plus actif au sein du foyer et dans l'éducation des enfants. Soulagée d'une partie des tâches domestiques, les femmes peuvent davantage se concentrer sur leur carrière".
De son côté, Agnès Flémal, Directrice Générale de WSL, l'incubateur des sciences de l'ingénieur, est plus nuancée : "En Wallonie comme ailleurs, la sensibilisation aux sciences pour les filles demeure un problème. Dans les études d’ingénieur, elles représentent autour de 20% des étudiants, ce qui reste très peu. Il n’y a pas de miracle : la seule solution est d’en discuter dans la sphère familiale. Les parents doivent encourager leurs enfants dans cette voie, je suis convaincue que cette sensibilisation familiale est primordiale pour changer les choses. La situation évolue, mais pas assez vite : les femmes restent extrêmement minoritaires dans les postes décisionnels, on est très loin de la parité, il n'y a qu'à voir les plafonds de verre en termes de repsonsabilité qui restent une réalité pour les entrepreneuses ou les directrices générales. Le point positif est qu'à partir du moment où elles décident de faire des études scientifiques et où elles sont soutenues par leur famille, elles ont la possibilité de le faire sans la moindre difficulté, mais ça ne date pas d'hier. Après, évidemment, il y a la carrière..."